Dissimuler le solaire alpin. Un mauvais choix

Ces derniers mois, de nombreux projets d’installations photovoltaïques de grandes ampleurs fleurissent dans les Alpes valaisannes. Les plus imposants sont ceux de Grengiols dans le parc naturel régional du Binntal, qui envisage d’occuper une surface équivalente à 400 terrains de football, ainsi que dans le Vispertal sur une surface similaire. Un projet plus contenu est prévu dans un alpage surplombant Gondo aux confins de la Suisse. Plus récemment, une installation serait à l’étude dans la combe de Prafleuri située sur la commune d’Hérémence. Ces quatre projets ont en commun l’ambition de produire de l’énergie photovoltaïque en hiver, et ils sont tous situés à une altitude supérieure à 2’000 mètres dans des espaces naturels éloignés de l’activité humaine et de constructions. Cette semaine encore, un nouveau projet surplombant Ovronnaz sortait du bois, dont les contours ne sont pas connus au moment de la rédaction de cet article.

Cette conjonction de projets n’est en rien due au hasard. Elle est la conséquence de la volonté politique récente du parlement fédéral, d’assurer rapidement un approvisionnement en électricité pendant l’hiver. Ce cadre légal propose notamment un allégement des conditions d’autorisation de construire pour les grandes installations photovoltaïques, et un subventionnement fédéral à hauteur de 60%. Il s’appliquera aux aménagements qui injecteront de l’électricité dans le réseau avant le 31 décembre 2025, et qui produiront au minimum 10 GWh annuellement. Ce dispositif sera activé jusqu’à concurrence d’une production annuelle cumulée de 2’000 GWh au niveau suisse. Par le calendrier et le degré de subventionnement qu’elle propose, cette nouvelle base légale induit une compétition entre les différents producteurs énergétiques suisses. Compétition qui présente des risques, en particulier celui d’arrêter dans la précipitation des lieux pour installer les parcs solaires.

Ce risque se manifeste particulièrement en Valais, par des choix de localisation techniquement et géographiquement discutables. Car au-delà de l’indispensable orientation sud des sites, des critères tels que la connexion à un réseau électrique et la capacité dudit réseau électrique à absorber les pointes de puissance sont à prendre en considération. Et ces critères de connexion ne plaident pas, à des degrés divers, en faveur des quatre projets précités, éloignés qu’ils sont d’infrastructures électriques. Il apparaît plutôt que ces choix sont l’expression d’un certain rapport à la nature. On préfère en effet dissimuler des panneaux photovoltaïques dans un parc naturel loin de notre regard, plutôt que d’assumer nos besoins en électricité en implantant ces parcs alpins proches des activités humaines ou sur des infrastructures alpines existantes. On préfère occuper durablement par des ancrages en béton les derniers espaces libres d’urbanisation, pour en quelque sorte externaliser de notre vision les impacts sur le paysage de telles constructions. Car dans cette perspective, ce qui compte, c’est de protéger la nature proche. Celle que l’on voit depuis le télésiège ou par la fenêtre de la voiture en gravissant les cols alpins. C’est en tout cas ce qu’affirmait le Conseiller d’État valaisan en charge de l’énergie Roberto Schmidt dans le Tagesanzeiger du 17 septembre 2022. Le canton du Valais autorisera « tout au plus des projets solaires alpins sur trois ou quatre bons sites peu exposés [N.D.A. à notre vue]. Sur des cols très fréquentés comme le Grand-Saint-Bernard ou le Simplon, je ne veux personnellement pas de grands parcs solaires ». Le ministre semble à ce stade privilégier des sites invisibles au regard des automobilistes comme le parc du Binntal, et délaisser des cols alpins, pourtant reliés par des routes internationales, et traversés par des lignes électriques à très haute tension. Étonnant.

Nous devons prendre nos responsabilités dans la transition énergétique et cela passe en premier lieu par une certaine sobriété et efficacité dans notre usage de l’électricité. Si le solaire alpin peut avoir un rôle à jouer pour la production hivernale, il est également de notre responsabilité de préserver les espaces naturels sans activités humaines et infrastructures, si d’autres sites sont possibles. Et les options existent en Valais. L’installation photovoltaïque flottante sur le lac du barrage des Toules produit déjà 800 MWh, et ambitionne de produire 20 GWh, soit la production prévue à Gondo. La station de ski de Wildkogel en Autriche injecte 1,3 GWh avec des panneaux installés en bordure des pistes et sur les bâtiments, ce qui laisse imaginer le potentiel valaisan qui plus est, avec une autoconsommation non négligeable. Ces alternatives démontrent à elles seules la nécessité pour les autorités compétentes valaisannes, d’analyser l’ensemble des espaces alpins occupés par des infrastructures en particulier hydroélectriques et de ski. Le Gouvernement cantonal doit privilégier les sites les plus adaptés, tant sur le plan technique, que sur celui de la préservation des espaces naturels et jouer son rôle de planificateur. La seule ambition de certains promoteurs fonciers et énergétiques, ainsi que l’attrait de la subvention fédérale, ne doivent pas guider le Conseil d’Etat valaisan dans des choix précipités.

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