Financer l’assurance maladie comme l’AVS

Chaque automne, le discours dominant qui suit l’annonce de l’augmentation des primes maladie ne propose qu’un seul remède : « endiguer les coûts ». Pourtant, en prenant un peu de hauteur sur les pays qui nous entourent, il apparaît que le diagnostic posé est incomplet, et cela pour deux raisons. Premièrement, l’augmentation des coûts n’est pas une spécialité suisse. Elle s’observe dans l’ensemble des pays européens et démontre la difficulté à juguler les dépenses de santé. Deuxièmement, la vraie spécialité suisse souvent omise tient au fait que nous payons la même prime, que nous gagnions modestement ou très bien notre vie.

Graphique 1 : Dépenses totales de santé par habitant en USD – Source OCDE

Financer la santé, sans prendre en compte la capacité financière des personnes, aucun autre pays d’Europe ne le fait aussi bien que la Suisse. En effet, dans notre pays seul un petit tiers des coûts de la santé est payé de manière solidaire. Le solde est réglé individuellement, que ce soit par la prime, la franchise ou les versements directs. Partout ailleurs en Europe, l’impôt ou des retenues proportionnelles au salaire financent très largement la santé : 78% en Allemagne, 75% en Autriche (graphique 2). Pour filer la métaphore sportive, on peut dire que la Suisse est simultanément la championne d’Europe des coûts, et la lanterne rouge en matière de financement public des dépenses de santé.

L’une des conséquences sociales de ce mode de financement, couplé au « choix » quasi imposé d’une franchise maximale, est le renoncement aux soins pour des raisons financières. En Valais, avec un revenu inférieur à la moyenne, on renonce trois fois plus à consulter un médecin qu’avec un revenu moyen ou supérieur. On me rétorquera que le mécanisme de subventions permet de résoudre ce problème. L’existence même de ce dispositif est la démonstration que le financement de la santé en Suisse est mal construit. Mais passons sur cette objection fondamentale pour prendre un cas concret. Le Valais n’octroie aucune aide pour une famille monoparentale avec un enfant gagnant plus de 4’400 francs net par mois. Dans le contexte d’augmentation perpétuelle des primes, il apparaît de moins en moins défendable de ponctionner des montants toujours plus importants sur de tels salaires.

Graphique 2 : Dépenses de santé financées par des fonds publics en proportion des dépenses totales, 2019 (ou année la plus proche) – Source OCDE

Mais alors, quel remède faut-il appliquer ? À court terme, l’initiative fédérale qui souhaite limiter le les primes à 10% du revenu permettra de contenir la charge financière sur les ménages. Mais pour le futur, nous devons changer plus fondamentalement de modèle. En 2021, les Suisses ont payé 31 milliards de primes maladie obligatoires. La masse salariale annuelle dans notre pays est d’environ 410 milliards. Une ponction sur les salaires de moins de 8%, paritairement partagée, pourrait financer notre assurance maladie obligatoire. Cette simulation financière un peu sèche, démontre qu’il est possible d’envisager le financement de notre santé comme celui de notre AVS. Cette idée est l’une des réponses possibles pour répartir plus équitablement la facture de la santé. Car pour garantir un accès aux soins pour toutes et tous, il est indispensable que cette facture soit réglée de manière bien plus solidaire qu’elle l’est aujourd’hui.

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